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La Mine d'Or de Salomon

Photographie du Col de la Lauze et du Pic de la Grave, réalisée par Henri Ferrand entre 1890 et 1926. Cette image capture la beauté sauvage des Alpes, mettant en valeur les sommets et les cols de la région.

📖 L'histoire

Combien d’hommes ont-ils arpenté les pentes des Trois Aiguilles d’Arves, à la recherche de la fameuse mine d’or de Salomon, aussi appelée mine des Trois Ellions — déformation locale du mot aiguilles ? On la situait derrière le lac du Goléon, là où les montagnes se replient dans un cirque austère, entre les pierres et les vents. Son nom viendrait d’un certain Jacques Salomon, personnage aussi réel que mystérieux, né aux Traverses, à La Grave. On raconte qu’il n’était d’abord qu’un simple chasseur, jusqu’au jour où, dans le lit d’un ruisseau autour des aiguilles d’Arves, il aperçut la lueur d’un éclat doré. En grattant la terre, il découvrit un filon qu’il exploita dans le plus grand secret. Ce fut le début de sa fortune. Sa richesse attira l’attention : on dit qu’il devint banquier du roi de Piémont-Sardaigne, et que sa chambre à Turin était dallée de pièces d’or. Dans la vallée qui s’enfonce du Chazelet vers la Savoie, il possédait plusieurs bâtisses au lieu-dit Les Cabanes de Salomon. Le cadastre napoléonien de 1811 mentionne encore dix maisons aujourd’hui disparues. La plus imposante, dite “maison à Polyte”, tombait en ruine avant d’être restaurée en 2014 : c’est désormais le refuge du Pic du Mas de La Grave. La rumeur prétendait qu’un souterrain reliait ces demeures : il aurait servi à entreposer de la marchandise de contrebande, car Salomon n’était pas qu’un chanceux mineur ; il était aussi trafiquant et faux-monnayeur. Il franchissait la frontière entre France et Savoie — alors deux États distincts — en défiant la douane du Chazelet, et comptait des complices jusque dans la rue Mercière à Lyon, où résidaient d’autres commerçants originaires du Haut-Oisans. Mais son audace finit par le perdre. On dit qu’il fit frapper de la fausse monnaie avec son propre or, et qu’une fois démasqué, il fut arrêté à Turin avec ses associés. Les Archives d’État de Turin conservent une note sèche : « L’an de grâce 1717, le 12 décembre, Jacques Salomon et Paul Paillas, marchands à Turin, ont été mis en prison avec leurs femmes, pour la fausse monnaie qu’ils faisaient fabriquer… Finalement, le 12 septembre 1718, ils ont été pendus et exécutés audit Turin. Dieu leur ait miséricorde. » Depuis, le nom de Salomon reste associé à l’or, à la ruse et à la déchéance ; son mythe, lui, a survécu bien au-delà des siècles. Bien des années plus tard, la montagne garda le souvenir du trésor perdu. Les habitants racontaient qu’un berger, un jour d’été, découvrit entre deux touffes d’arnica un étroit passage dissimulé sous la roche. Il s’y glissa et tomba dans une grotte dont les parois semblaient couvertes de veines d’or étincelantes. Ébloui, il en ramassa quelques paillettes, mais n’avait d’autre outil que sa canne. Pauvre et seul, il décida de descendre à Grenoble pour vendre son or et acheter ce qu’il lui fallait : pioche, marteau, seaux, tamis… tout ce qu’il espérait pour exploiter le filon. Quand il revint, chargé de tout son attirail, il gravit la rampe des Commères le dos rompu, mais le cœur plein d’espérance. Arrivé à La Grave, il s’accorda une nuit de repos. Il n’avait presque rien à manger, seulement un quignon de pain noir et un peu d’eau, mais il se rassura : nul autre que lui ne connaissait l’entrée de la mine. Il s’endormit confiant, rêvant aux murs d’or qui l’attendaient là-haut. Le lendemain, avant l’aube, il reprit la route du Goléon. Mais dans la nuit, la bise avait soufflé, glaciale et sèche, brûlant toutes les fleurs d’arnica. Les deux touffes qui lui servaient de repère avaient disparu. Il chercha longtemps, courbé sur la terre, fouillant les pierres et les racines. Mais la montagne était muette. La grotte demeura introuvable. Et depuis ce jour, personne n’a jamais retrouvé la mine d’or de Salomon, que la légende dit toujours enfouie quelque part sous les pentes des Trois Aiguilles d’Arves.
📌 Informations
🧑 Auteur

admin

🔗 Source

Sentis, La légende dorée des Hautes-Alpes — Rousset, Au Pays de la Meije — Refuge du Pic du Mas de La Grave — Müller, Quelques notes sur La Grave et son canton (1913)

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