📖 L'histoire
Dans le charmant hameau du Pied-du-Col, un cousin de la famille Falque possédait une magnifique jument. Par paresse ou négligence, il ne prenait jamais le temps de la brosser, la laissant souvent crottée. Les villageois, témoins de cet état déplorable, ne manquaient pas de faire des commentaires désobligeants sur le manque de soin apparent du propriétaire envers sa bête. Un jour, cependant, tout changea. La jument apparut resplendissante, sa robe brillante au soleil, et ainsi chaque jour. Les voisins, surpris, félicitèrent le maître, qui protesta, confus : « Ce n'est pas mon travail ! Je ne sais même pas où est mon étrille ! » Intrigués, le maître décida de mener son enquête. Il invita deux de ses amis et voisins à l'aider à faire la lumière sur cette affaire.
Une nuit, après avoir constaté que la jument était de nouveau crottée après une longue journée de labeur, ils se rassemblèrent dans la cuisine, jouant aux cartes à voix basse tout en tendant l'oreille. Soudain, ils entendirent le frottement familier de l'étrille. Surpris, ils se dirigèrent vers l'écurie, essayant de dissimuler le bruit de leurs lourds souliers cloutés. À l'époque, l'électricité n'était pas encore arrivée au Pied-du-Col, et chacun portait une bougie allumée. Ils s'approchaient à la lumière vacillante de leur bougie vers la porte de l'écurie. S'immobilisant, ils entendaient encore le bruit de la brosse et le souffle du cheval, pas apeuré du tout.
Le maître ouvrit brusquement la porte de l'écurie et, à cet instant précis, les bougies s'éteignirent. Ils les rallumèrent, mais elles s'éteignirent à nouveau. « Il y a quelqu'un ! », s'écria l'un d'eux. Le maître, brandissant un gourdin, se mit à frapper dans le noir. Il reçut alors une gifle retentissante et tomba sur ses amis, effrayés. Dans la confusion, ils sortirent en hâte et barricadèrent l'écurie en clouant des planches à la porte, déterminés à piéger le mystérieux étrilleur.
Les deux amis quittèrent les lieux, laissant le maître seul avec ses pensées. Il resta éveillé toute la nuit, anxieux. Le matin venu, réconforté par les rayons du soleil, il rassembla ses amis et ils entrèrent dans l'écurie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n'y avait personne. Seulement la jument à moitié étrillée, l'air perplexe. La nuit suivante, ils écoutèrent à nouveau, mais aucun bruit ne vint troubler le silence. La jument ne fut plus jamais étrillée.
Le maître, réalisant sa bêtise, dit à ses amis : « Pour une fois que quelqu'un faisait le travail à ma place!". "Il ne faut jamais chercher à en savoir trop, voilà la vérité."
C'était une apparition d'un de ces "folatons" ou "esprit follet" de l'Oisans, qui, parfois bons et parfois mauvais, écument les montagnes. Ils sont appelés "servans" en Savoie, ou plus généralement "gobelins" ou "kobolds" dans le folklore Européen.