📖 L'histoire
Lors des guerres d’Italie au XVIᵉ siècle, nombre d’armées traversèrent la commune pour aller combattre par-delà les Alpes. À chacun de ces passages, les habitants étaient réquisitionnés pour déneiger la route ou encore accueillir et nourrir les soldats.
Cela ruina la commune. Mais les Faranchins, toujours inventifs, en inventèrent une légende, peut-être inspirée de faits réels. Cette légende, la veillée venue, était encore racontée dans les chaumières au début du XXᵉ siècle, c’est-à-dire cinq cents ans après les faits ! La voici.
En revenant des guerres d’Italie, des soldats en route vers leur patrie avaient traversé la commune. L’un d’eux portait un riche butin amassé lors du pillage de villes italiennes. Épuisé et craignant d’être abandonné de ses compagnons, il décida de cacher son trésor sous une grosse pierre du Pont Long, certain de revenir un jour le récupérer. Mais le destin en décida autrement : il périt avant de pouvoir venir le déterrer, et son magot resta enfoui pendant plus d’un siècle.
C’est alors qu’un Esprit Follet, créature avare amassant des trésors et interdisant l’accès des filons d’or aux montagnards, s’en empara. Les villageois connaissaient sa réputation et redoutaient sa présence. Ils savaient aussi qu’il élevait des juments brunes, dont les grelots argentés résonnaient dans la nuit le long de la Romanche.
Un soir de printemps, deux hommes courageux décidèrent de braver le danger et de partir à la recherche du trésor. En chemin pour le hameau du Dauphin, ils prévoyaient de s’arrêter au Pont Long pour soulever la pierre abritant le magot.
Ils marchaient à la lumière des étoiles, leur souffle s’élevant en nuage devant eux dans l’air glacé. Ils étaient nerveux, sursautant et s’arrêtant à chaque bruit du vent dans les mélèzes. Alors qu’ils approchaient du ruisseau que le Pont Long enjambait, leurs pas résonnant sur la terre gelée, ils entendirent le bruit d’un attelage infernal.
Le cocher, qui ne pouvait être autre que l’Esprit Follet, fouettait ses juments, et le son des grelots, le hennissement des chevaux et le grincement de la charrette remplirent l’air glacial. Les deux compères, terrifiés, se jetèrent sur le remblai, sous le pont, transis de sueur froide. Le terrible attelage s’approchait, grinçant sur le gravier. Le tintement d’argent des grelots leur perçait les tympans.
Les deux amis retinrent leur souffle, pétris de terreur, alors que la calèche s’arrêta sur le pont, juste au-dessus d’eux. L’Esprit Follet, ayant compté les deniers de son trésor, laissa échapper un rire grinçant qui résonna jusqu’aux cimes enneigées. Le fouet claqua, les juments brunes hennirent et la calèche reprit son bruit infernal en s’éloignant dans la nuit. L’Esprit Follet devait repartir vers une autre de ses cachettes, connue de lui seul, et abritant un trésor peut-être plus grand encore.
Après être restés tapis dans l’ombre bien plus longtemps que nécessaire, les deux amis prirent leurs jambes à leur cou, et jamais plus il ne leur vint à l’idée de s’emparer du butin de l’Esprit Follet !