Cardinal Le Camus

Étienne Le Camus est un cardinal, évêque de Grenoble de 1671 à sa mort. Vu depuis Mizoën, Monseigneur Le Camus est un personnage “venu d’en haut” — extérieur au village — mais indispensable pour comprendre ce qui s’y joue à la fin du XVIIᵉ siècle, parce qu’il observe, juge, écrit et met en scène. Lors de sa visite pastorale de 1672, il découvre une communauté protestante solidement organisée et en décrit les mécanismes concrets : 127 “cottisés” pour entretenir le ministre, un revenu de 327 livres avec une part réservée au pain des pauvres, et même une maison achetée en 1660 pour loger le pasteur. Son jugement frappe par contraste : il condamne durement le curé Pierre Delort, tout en soulignant l’attitude respectueuse et accueillante des protestants, et note l’absence quasi totale de familles catholiques — un constat rare, particulièrement parlant pour un évêque. En amont de la Révocation, il désapprouve la méthode « à la dragonne » et privilégie l’envoi de missionnaires, dont la trace se lit surtout dans les comptes : on est là dans une politique religieuse qui passe aussi par l’économie. Puis vient le 12 juin 1686 : Le Camus célèbre à Mizoën la conversion collective de 330 huguenots, avec une messe solennelle et une procession du Saint-Sacrement dans des rues tapissées — cérémonie spectaculaire, d’autant plus lourde de sens qu’elle est suivie, dès le constat dressé le 26 août 1686, d’une fuite massive et d’un dépeuplement rapide. À sa manière, Le Camus sert de repère : ses visites et ses cérémonies fixent l’image d’un Mizoën au bord du basculement, au moment précis où un monde religieux et social, patiemment construit dans un village de montagne, se défait en quelques mois.