Visite pastorale du cardinal Le Camus

Le 12 juin 1686 marque à Mizoën l’un des temps forts de la répression du protestantisme, lors de la visite pastorale du cardinal Le Camus. Ce jour-là, l’évêque célèbre dans le temple la « forte présence des nouveaux convertis », des conversions qu’il qualifie lui-même de circonstance. La scène est spectaculaire : le curé Joseph Juge doit conduire le cardinal devant la porte du temple, l’église paroissiale étant trop petite pour accueillir la foule. Le Camus annonce alors la conversion de 330 huguenots, soit presque toute la communauté, recensée à travers 46 familles du village et de ses hameaux – Sainguigneret, les Aymes, les Clots, le Pariset, le Dauphin, le Romanchon ou encore la Villette. Pourtant, derrière cette mise en scène solennelle, la réalité est plus nuancée. Le cardinal estime qu’à Mizoën, il n’y a en vérité aucun catholique, hormis le curé et son sacristain, et que ces retours au catholicisme ne sont qu’une façade imposée par la contrainte. Le secrétaire de l’évêque cherche d’ailleurs à expliquer l’ancienne implantation du protestantisme local en la faisant remonter aux prédications de Despagne, présenté comme le premier ministre du lieu, qui aurait apostasié pour se marier. Le lendemain, le 13 juin, une messe solennelle et une procession du Saint-Sacrement parcourent des rues richement décorées, dans une mise en scène que l’on dit inédite « depuis le début de l’hérésie ». Mais cette démonstration d’unité catholique masque mal l’effritement de la communauté : les habitants avaient déjà abjuré en octobre 1685, devant le notaire Antoine Roux, et quelques mois plus tard, le 26 août 1686, celui-ci constate la fuite massive des « déserteurs ». En deux ans, Mizoën passe de 122 familles à seulement 67.